DON DIÈGUE.
Rodrigue, as-tu du coeur ?
DON RODRIGUE.
Tout autre que mon père
L'éprouverait sur l'heure.
DON DIÈGUE.
Agréable colère !
Digne ressentiment à ma douleur bien doux !
Je reconnais mon sang à ce noble courroux,
Ma jeunesse revit en cette ardeur si prompte.
Viens mon fils, viens mon sang, viens réparer ma honte,
Viens me venger.
DON RODRIGUE.
De quoi ?
DON DIÈGUE.
D'un affront si cruel,
Qu'à l'honneur de tous deux il porte un coup mortel,
D'un soufflet. L'insolent en eût perdu la vie,
Mais mon âge a trompé ma généreuse envie,
Et ce fer que mon bras ne peut plus soutenir,
Je le remets au tien pour venger et punir.
Va contre un arrogant éprouver ton courage,
Ce n'est que dans le sang qu'on lave un tel outrage,
Meurs, ou tue. Au surplus, pour ne te point flatter,
Je te donne à combattre un homme à redouter, [...]
Plus que brave soldat, plus que grand capitaine,
C'est...
DON RODRIGUE.
De grâce, achevez.
DON DIÈGUE.
Le père de Chimène.
DON RODRIGUE.
Le...
DON DIÈGUE.
Ne réplique point, je connais ton amour,
Mais qui peut vivre infâme est indigne du jour.
Plus l'offenseur est cher, et plus grande est l'offense.
Enfin tu sais l'affront, et tu tiens la vengeance,
Je ne te dis plus rien, venge-moi, venge-toi,
Montre-toi digne fils d'un père tel que moi ;
Accablé des malheurs où le destin me range,
Je vais les déplorer, va, cours, vole, et nous venge.
DON RODRIGUE.
Percé jusques au fond du coeur
D'une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,
Misérable vengeur d'une juste querelle,
Et malheureux objet d'une injuste rigueur :
Je demeure immobile, et mon âme abattue
Cède au coup qui me tue.
Si près de voir mon feu récompensé,
Ô Dieu ! L'étrange peine !
En cet affront mon père est l'offensé,
Et l'offenseur le père de Chimène !